UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 23 janvier 2013


« […] que le temps n’est pas le fait d’un sujet exposé seul, mais qu’il est la relation même avec autrui. » Emmanuel Levinas


En approfondissant cette idée de la solitude, on peut la penser comme une liberté première, l’espace où je dis je, découvrant ainsi en tant que vivant ma capacité d’être avec moi-même évidemment, mais aussi d’agir et d’intervenir sur la vie elle-même. Cependant, il y a aussi le risque que l’être qui contrôle ainsi sa vie s’enchaîne à lui-même, s’encombre de lui-même. Il semble essentiel pour surmonter ce poids de s’oublier aussi, d’aller vers d’autres nourritures terrestres. Mais cela n'annihile pas la solitude ni à plus forte raison la souffrance. Le temps ne se laisse pas assimiler par l’expérience (l’avenir par exemple nous échappe), comme la mort. Notre rapport au temps ne prend donc pas la forme d’une communion, mais d’un face à face, comme notre relation avec autrui.

Ainsi, la solitude se construit comme un état souverain, propre à chacun, dans la composition de l’être et de son identité. On ne peut lui échapper : elle constitue notre maîtrise de soi, notre responsabilité, notre liberté. Un espace où le présent opère une déchirure, un point de rupture dans l’illimité du temps existant. Dans ce temps, il y a comme un bruissement, une forme impersonnelle, anonyme, un présent irrémédiable. La solitude constitue aussi un mystère ; soi devant l’insaisissable : l’autre, l’avenir, la mort. Et il existe effectivement une parenté entre ces notions ; chacune se profile comme un horizon, une ombre, une énigme.



C’est dans la souffrance que s’exprime peut-être le plus définitivement le drame de la solitude. Il est impossible de se dissimuler à la souffrance et partant à la mort. La mort est insaisissable et force à la passivité, elle arrive, elle est là. Nous voilà devant un mystère radical.
En revanche, c’est dans l’amour que le mystère dans notre relation à l’autre est peut-être le plus sensible, là où il y a un pur contact avec une altérité sans que le je disparaisse ; là aussi où la relation à l’autre renvoie à l’impossibilité de le posséder, de le saisir. Là où la relation à l’autre ne peut être envisagée dans un rapport de pouvoir, car la liberté de soi et de l’autre n’entre pas dans un rapport de fusion ni de communion, mais résulte d’un face à face.