UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 8 février 2012


« La peur qui faisait place — à un tel rayonnement ! », Marina Tsvetaïeva















L'inélégance — sous toutes ses formes — relève de l'odieux et de la brutalité. Elle atteint comme un coup de couteau. Du sang coule. Comment se prémunir contre elle ? Elle fait peur. Peur, ce durcissement qu'il faut créer à l'intérieur de soi pour l'atteindre — cette violence — envers autrui. Je sais, c'est humain. Nous sommes faits comme ça, les humains, dotés d'un esprit brillant, mais idiot. L'inconscience ou l'obtusion ne sont pas une excuse, parce qu'au fond de soi, on sait toujours. La folie, peut-être, oui, elle expliquerait. Mais elle est si répandue aujourd'hui, comment la reconnaître ?

Parfois, on met ça sur le compte de l'absurde, alors l'impuissance recouvre tout comme une toile épaisse. Et on pense à Samuel Becket et à la tristesse inénarrable qui devait l'habiter. On aurait envie, comme lui, de s'exiler à Paris. Pour voir du gris partout et trouver ça beau. On regarderait par la fenêtre le mur de l'immeuble en face. Gris. On épierait l'homme qui habite au troisième, repérant ses habitudes, n'en soufflant mot à personne. On ne saurait pas le reconnaître dans la rue, mais la couleur de sa robe de chambre, oui, bleu nuit. On possèderait une bonne réserve de bons vins : des rouges, des blancs, des bulles ; pour être rassurée et savoir que l'ivresse et la convivialité sont là, disponibles à tout moment, en cas de besoin. On se sentirait loin et en même temps chez soi, considérant qu'on a de la chance. Même aux heures de mélancolie. On habiterait un petit studio près des Buttes Chaumont et on ferait le tour de tous les musées de la ville. On achèterait des légumes et du fromage au marché et on boirait des expressos, debout, au comptoir des bistrots. On prendrait des trains pour partir en week-end au bord de la mer. On vivrait là en sursis. De quoi au juste ? De la vie elle-même sans doute. Une sorte de parenthèse à l'intérieur de la parenthèse.

Mais partir, ou le désir le partir, ne serait-il pas une autre de ces lâchetés ordinaires, un de ces paravents derrière lesquels nous dissimulons notre misère ? 

Ou, au contraire, le moyen d'ouvrir élégamment une porte sur de l'inconnu, de la joie, du tendre…