UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 1 février 2012


« On n'explique pas la vie, on s'explique avec elle. », Paul Rudi


On arrive à un âge, passé la cinquantaine où, petit à petit, les gens meurent autour de nous. Notre ami B. l’année dernière, par exemple. Ce qui me fait penser que la vie est une parenthèse entre deux néants.
On ouvre et on ferme la parenthèse. 


J'ai connu un professeur de littérature qui la dédaignait, la considérant comme une inutile digression au texte. On ne peut pas refuser de venir au monde. On ne peut pas refuser ce passage. 
Dans le magnifique Traité de ponctuation de Jacques Drillon, la parenthèse est définie, entre autres, comme introduisant une explication et aussi comme un lieu où on s'installe confortablement, une « halte », un « abri ».
On ne saura jamais vraiment si l'avant et l'après sont harassants au point qu’on doive considérer la vie comme un havre.


Au Québec, nous employons fréquemment le mot passage pour désigner un corridor étroit séparant les pièces de la maison. Ces espaces ne donnent sur aucun extérieur ; ils permettent simplement de traverser d'un endroit à un autre. Ils me font penser aux rêves qui ne sont pas circonscrits, qui sont sans paroi. Ces traversées, qu’elles soient terrestres ou oniriques, sont des espaces ouverts. Où nous vivons. Où nous tentons une explication. Non pas en découvrant un sens éclairant à nos mouvements ou à nos afflictions, mais quand, au contraire, on cesse d'en chercher en nous absorbant en elle, la vie, comme l'eau est aspirée par la terre.
Je ne propose pas de recette et cherche encore moins de raisons. 


Je me mets en boule, en chien de fusil et je me love « à l'intérieur de ces deux courbes », dirai-je, paraphrasant Drillon.
Je bois du vin avec délice, pas trop, juste ce qu'il faut pour qu'il y ait un accompagnement, une rencontre et une complicité.
Je colle mes pieds froids dans le creux de tes cuisses.
Je mange des canneberges fraîches au petit déjeuner à cause de leur couleur rouge, de leur goût aigrelet et parce que c'est bon pour la santé.
J'entretiens le feu pour le plaisir de voir les chats étendus devant, de tout leur long, couchés sur le dos, les pattes en l'air.
La neige blanche. Les ciels hallucinés de l'aurore. L'eau furieusement douce du petit lac sur la peau nue. L'élégance du grand héron.
La musique fantastique des ensembles de SuperMusique qui me donnerait envie de croire à la réincarnation pour la folle espérance d'un jour pouvoir me joindre à eux.
L'excitation quiète d'habiter en ville. Le bonheur infini de vivre à la campagne.
Les trésors dans les conversations que j'échange avec mes amies.
Les voyages. Les romans. Les séries policières à la télé (…)