La parole se souvient de son néant,
de cette nuit originelle qui déjà ouvrait un passage, et qui la métamorphose à
l’instant où elle traverse l’autre.
De bouche à bouche, l’embrassement.
De bouche à bouche, le goût du sel.
Quelque chose s’est introduit dans
l’esprit. Un sensible capable de retenir l’apparition, l’instant,
l’ébranlement.
L’essence du langage, par
définition, se trouve dans son pouvoir de communication et dans son pouvoir de
création qui le fonde et le transforme en objet de mutation.
Le langage est imparfait et dans les imperfections et les non-dits, se trouve une voix, le pneuma qui contient la vie, l’esprit et le langage lui-même. Le
pouvoir créateur se sert de l’essence spirituelle à l’intérieur du langage, comme l’essence linguistique sert à nommer les choses. Et ainsi ce pouvoir, cette
traduction de l’imparfait et du non-dit en langage exprimé peut devenir un objet de création ou de connaissance. Les choses se conçoivent dans le langage, mais la magie se crée,
toujours, avant qu’elles ne soient nommées. Dans le silence, dans le non-dit, dans la
force de leur présence.
Le langage témoigne d’un habitus, mais aussi d’une âme, d’une réflexion qui dépassent une matérialité pour atteindre l’imaginaire. Un
lieu de disparition. Et de rassemblement. La présence, sans mot. Le silence tel
qu’entendu dans le lieu vide, dans la trace de ce vide, qui se souvient
seulement d’un cri, d’un murmure ; qui a oublié.
La présence se ressent, est
agissante au moment de la rencontre. L’émergence de la parole provient d’un
endroit mystérieux. Elle répond bien sûr à une volonté, un mouvement conscient,
mais elle prend d’abord naissance dans le silence.
C’est à l'intérieur de celui-ci que l’émotion se soulève, que le mouvement
s’incarne. Sur le chemin émotionnel qu’emprunte la parole, le silence questionne. Questions qui se déposent dans le temps, dans un espace vide. Une
proximité avec l’autre rend responsable celui qui prend la parole de la vérité
des mots, de leur intention, de leur sens.
Cette parole appartient alors à l’autre qui
la reçoit, à la langue qui la supporte. Une langue ne dispose pas de l’éternité,
elle meurt aussi et chaque fois qu’elle est empruntée, elle questionne au-delà de l’être, s'insinue dans un espace vide où sa portée cesse d’être une virtualité.
Entre le temps et la mort, une voix se profile…