UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 2 janvier 2013


« Mais nulle règle universelle ne régit les manifestations de la parole ou du silence » David Le Breton

L’une des grandes pandémies contemporaines serait sans doute l’impuissance qu’il y a à exister sans bruit. Avant de dire, ne devrait-on pas apprendre à se taire. Laisser émerger le silence. Le silence permet à la parole de déployer, rythmer, moduler son sens. Socialement, il permet d’instaurer une distance. Dans un environnement où la parole est au premier plan, le silencieux se démarque ; trouble, suscite le malaise, brise l’homogénéité du groupe. La parole devient alors une exigence sociale.

Les rapports entre l’être et le silence sont multiples : de la mystique religieuse aux échanges quotidiens, le silence est polymorphe. S’il nous confronte inexorablement à l’intériorité, il ne se résume pourtant pas à une ascèse personnelle. Il agit avec force dans nos relations avec autrui, et en cela il possède un sens moral. À la fois socialement déterminé, puis culturellement déterminant, il s’accorde à la nature de nos contacts.
Car le silence peut aussi se présenter comme une oppression, une aliénation. Pensons seulement à la censure, à la délation qui instaure un climat de suspicion et de méfiance où toute parole devient dangereuse. L’individu se replie dans le silence, bâillonné à l’intérieur de lui-même.
Par ailleurs, dans l’urgence de dire, dans les témoignages par exemple, il arrive aussi qu’on se heurte à la difficulté voire l’impossibilité d’être entendu. On cherche à conjurer le silence, mais on ne rencontre que du vide ; face à l’indicible, les mots n’ont pas de prise.
Silence et parole sont tour à tour communication et absence de communication.  La parole communique quand elle dépasse le silence ; et inversement, le silence est communication quand il n’y a pas besoin de mots. Simple, presque simpliste.

En somme, la parole fait partie du vivant : on naît dans un cri, on grandit avec les mots, puis on vit dans les bavardages, les tintamarres, les sonnettes d’alarme.
Alors que le silence se rapproche du sacré. Dans la forêt, la contemplation, la musique vraie, les sentiments qui nous laissent sans mot.
Tantôt il est comme l’écho d’un événement plus grand que lui, tantôt un événement en lui-même, une expérience, un don.  C’est le sacré comme limite entre l’humain et l’impossible ; le sens de la grâce ; le secret.

Photo : Sophie Martin, Orsans