UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 7 novembre 2012


« Je me suis dit : <je vais aller voir. Je vais aller voir ce que j’ignore. Mes lèvres vont trembler. Je vais souffrir. Pourquoi pas ?> » Pascal Quignard


Bonitas verborum : la bonté du verbe dans laquelle l’être inscrit sa valeur se déploie, s’ouvre. Le don accordé engendre la réciprocité entre le Je et l’autre, entre l’écrit et le lu.
La bonté qui m’intéresse traverse l’être jusqu’à l’âme, elle permet l'ouverture et comprend les incohérences et ses conséquences. Je ne m’attarde pas tant à la bonté intérieure de l’homme qu’à l’horizon de sa rédemption. La bonté, à l’inverse du mensonge, est exempte de défiguration, même si la vérité qu’elle révèle est souvent insaisissable. Elle serait plutôt une transfiguration, une lente et difficile conversion d’une pensée dans le mot à mot de l’écrit. Cette bonté ne se présente pas comme une éthique de la vertu où sa valeur sémantique supposerait un jugement par rapport à une norme sociale et individuelle dans lequel l’artiste justifie ou condamne.
Pour ma part, il m’importe d’être exacte, en fuyant l’immédiate apparence, la spéculation, les prétextes, et en tentant d’offrir à l’écrit une dimension primitive d’ouverture. L’écriture, bien au-delà de l’affairement, s’expose, et s’oppose aux certitudes. La force du texte se mesure constamment à elle-même, n’avance pas dans un sens unique. Je ne peux décrire une pensée ou une posture d’écriture que partiellement, par strates.  La bonté échappe à son rôle de vertu quand survient le point du rupture, le moment de la dérive, quand l’écrit, fragile, se tourne vers l’autre, risquant de nous échapper et ne nous apportant d’autre assurance que celle d’une relativité pénétrante. Il arrive toujours que l’autre que je cherche à atteindre ne soit pas touché, qu’il n’arrive rien, rien d’autre que des mots à l’étalage. N’oublions pas tout de même que ce qui est donné ou reçu n’intervient pas toujours immédiatement, et doit d’abord rencontrer un regard, une pensée, revenir à sa source, effectuer des allers et retours. 
Écrire n’est pas un don, une qualité naturelle, cela force chacun de mes membres, renvoie mon Moi, à ses peurs et à sa pauvreté.
La pensée, elle, s’inspire de la Nature, en provient et ne procède pas de façon arbitraire ; c’est une expérience spirituelle empreinte de contradictions et de conscience divisée.


Ce que tu ressens alors n’est pas une joie ivre, mais un jaillissement presque brûlant, une réception saisissante d’un lieu vivant en toi, construit, engendré par le dynamisme de la bonté du texte. Ainsi ta vision du monde devient un dépassement et tes sens ne reproduisent plus ce qu’ils connaissent, mais transcendent la matière en quelque chose qui m’atteint, me revient. Un arc-en-ciel peut-être. Ou une montagne. Tu es un ange. Un enfant. L’âme du monde.