« Je me suis dit : <je vais aller voir. Je vais
aller voir ce que j’ignore. Mes lèvres vont trembler. Je vais souffrir.
Pourquoi pas ?> » Pascal Quignard
Bonitas
verborum : la bonté du verbe dans laquelle l’être inscrit sa valeur se déploie, s’ouvre. Le don accordé engendre la réciprocité entre le Je
et l’autre, entre l’écrit et le lu.
La bonté qui m’intéresse traverse
l’être jusqu’à l’âme, elle permet l'ouverture et comprend les incohérences et ses
conséquences. Je ne m’attarde pas tant à la bonté intérieure de l’homme qu’à
l’horizon de sa rédemption. La bonté, à l’inverse du mensonge, est exempte de
défiguration, même si la vérité qu’elle révèle est souvent insaisissable. Elle
serait plutôt une transfiguration, une lente et difficile conversion d’une pensée
dans le mot à mot de l’écrit. Cette bonté ne se présente pas
comme une éthique de la vertu où sa valeur sémantique supposerait un jugement
par rapport à une norme sociale et individuelle dans lequel l’artiste justifie
ou condamne.
Pour ma part, il m’importe d’être exacte, en
fuyant l’immédiate apparence, la spéculation, les prétextes, et en tentant
d’offrir à l’écrit une dimension primitive d’ouverture. L’écriture, bien au-delà
de l’affairement, s’expose, et s’oppose aux certitudes. La force du texte se
mesure constamment à elle-même, n’avance pas dans un sens unique. Je ne peux
décrire une pensée ou une posture d’écriture que partiellement, par
strates. La bonté échappe à son rôle de vertu quand survient le point du rupture, le moment de la dérive, quand
l’écrit, fragile, se tourne vers l’autre, risquant de nous échapper et ne nous
apportant d’autre assurance que celle d’une relativité pénétrante. Il arrive
toujours que l’autre que je cherche à atteindre ne soit pas touché, qu’il
n’arrive rien, rien d’autre que des mots à l’étalage. N’oublions pas tout de
même que ce qui est donné ou reçu n’intervient pas toujours immédiatement, et
doit d’abord rencontrer un regard, une pensée, revenir à sa source, effectuer
des allers et retours.
Écrire n’est pas un don, une qualité naturelle, cela
force chacun de mes membres, renvoie mon Moi, à ses peurs et à sa pauvreté.
La pensée, elle, s’inspire de la
Nature, en provient et ne procède pas de façon arbitraire ; c’est une
expérience spirituelle empreinte de contradictions et de conscience divisée.
Ce
que tu ressens alors n’est pas une joie ivre, mais un jaillissement presque
brûlant, une réception saisissante d’un lieu vivant en toi, construit, engendré
par le dynamisme de la bonté du texte. Ainsi ta vision du monde devient un
dépassement et tes sens ne reproduisent plus ce qu’ils connaissent, mais
transcendent la matière en quelque chose qui m’atteint, me revient. Un
arc-en-ciel peut-être. Ou une montagne. Tu es un ange. Un enfant. L’âme du
monde.