La mort est une possibilité absolument certaine ; elle est
la possibilité qui rend possible toute possibilité. Emmanuel Levinas
La question de responsabilité pose
en même temps celle de la mort,
car dans le regard que je porte sur autrui, est contenue, l'interdiction morale
de le tuer, de l'abandonner et même de le négliger. La mort d’autrui est une proximité par rapport
à soi.
Émotions, inquiétude dans l’inconnu
; la mort, dans ce qu’elle incarne de violence et d’humain dans la pensée, le
matériau brut, la blessure, est présente dans chaque instant de
l’existence.
La violence se manifeste partout,
tout le temps. Et je ne parle pas
seulement de la vulgarité quotidienne qui nous environne, mais d’une violence
contenue dans la voix, le dire, la mémoire qui m’habite, me déchire, me conduit
vers la conscience. C’est pourquoi
je crois que mort et bonté se touchent, presque indissociables, dans un
rapprochement non seulement de sens mais d’essence.
En perdant pied, en ne cherchant
plus à éviter le meilleur et le pire, ne sombrant dans nulle déréliction, je ne
résiste pas, simplement, à l’inéluctable. Il ne se produit rien, rien de remarquable ; si ce n’est cela, cette mort : le sérieux sévère de la bonté,
le rigoureux amour.
Se perdre enfin, séparé, abandonné à soi-même ; s’orienter non vers son
anéantissement, mais vers la faille, la fêlure ouvrant sur un possible. Je
n’entretiendrai nul espoir de lumière ou de renouveau, encore moins de
pérennité. Une sensation peut-être
se produira, un intangible.
Cela m’amène à penser au personnage
de l’Implorante dans la sculpture intitulée L’Âge
mûr de Camille Claudel ; à toute l’intensité contenue dans le creux de
ces mains qui se perdent dans le vide : un chercher prise qui n’en trouvera pas.
La pensée et l’agir de la sculpteure à travers son œuvre sont devenus un événement qui me
concerne.
La mort dans la création se déplace
du corps de l'artiste au corps de l'objet, dégage une odeur, a un poids,
esquisse déjà l'aura de l'œuvre en l'éloignant de lui, d’elle. Je reprends cet objet, le fais mien, le re-crée.
Ce qui m’amène à reprendre la
question de Kant : Que puis-je faire ? qu'ai-je le droit d'espérer ? Et à partir de là revenir à la
réflexion amorcée avec le sérieux sévère
de la bonté, sur le sens de l’engagement et de la foi, en tant qu'artiste
notamment...