UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 26 septembre 2012




« Je me suis étendue sur les aiguilles de séquoias et il m’a semblé descendre le canyon dans la fureur et la confusion d’un cours d’eau, dans un état de bonheur semblable à la naissance oublieuse du sang et de la déchirure.  Trop absorbée par le monde en mouvement, la Nature fait fi du deuil et, quelle que soit la dévastation qui la menace, elle accomplit, en un rituel secret, toute sa prédiction. » Elizabeth Smart

Le temps, depuis le premier jour, m’est compté. Je vais disparaître sans savoir où, ni quand ni comment.  Les morts ne revivent pas. Ne reviennent pas. Le jour de ma mort, je laisserai une empreinte mémorielle fugace et lente. 
Le temps de la vie n’est ni précieux ni exaltant : divin, sacré, fugace et lent. 
Ça s’arrêtera. Mais pas maintenant. J’écris. Suis tenaillée par la faim. L’écriture se perd, s’achève et recommence. S’inachève. Je suis une poussière terrestre. Tant que l’Homme ne la détruira pas complètement, je serai cette planète. J’ai foi dans l’agir. Bâtir une forêt, une ville. Je suis une fourmi. Une bosseuse.

Je ne sais pas aimer, et je tends les bras. Ne sais pas chanter, mais ma voix chante.  Ne sais pas nager, et traverse des lacs. Je suis une saltimbanque, une avaleuse de feu, une allumeuse. 
J’arpente des villes, splendides, détruites, peuplées d’humains. Je refuse la guerre.  Je chante faux. J’écris. C’est dans ces espaces que je respire. 
Il y a de la douleur partout. Dans l’enfance et davantage dans la vieillesse. Folle vérité. 
Je n’enfanterai ni fils ni fille, mais j’aurai fait pousser la mandragore. Jamais je n’atteindrai l’horizon ; je ne serai pas sauvée. 
Partie des dizaines de fois, sans retour. 
Pour survivre, j’ai sucé la moelle des uns et des autres. On m’a aussi demandé ma part. 
Je veux être utile. J’appartiens au temps, dans le vent qui agite la lumière, la matière, le désir. 
Qu’importent les distances. 

Trouverai-je ma part de bonté ? Comme il y a des siècles quand je savais encore pleurer. 
Comprendrai-je l’absence ? Entendrai-je le bruissement de la fourmilière ? 
Je n’entretiens pas le leurre du bonheur. Bêtement fidèle, concrète, efficace. Je cherche des accents de vérité. 
Les hauts et les bas. Pas besoin d’en faire un drame. 
Marcher sur un fil n’est pas si difficile, c’est se retourner le plus périlleux. 
Merci Paul Grégoire, pour la photo.

La joie quand elle arrive. 
Elle est si belle.