UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 4 janvier 2012


Nous sommes partis de la question : la connaissance scientifique de l’univers en expulse-t-elle la poésie ? Hubert Reeves

Il est onze heures et demie, le soleil brille, le voisin déneige sa voiture par petits gestes saccadés. Les faits sont là et l’absence de faits. Rien ne se passe. Peut-être dois-je chercher dans ce rien. Cette absence. Qui n’est pas encore un vide. Ne le sera peut-être pas. Je ne le sais pas encore. Car le vide ne devient « actif » que lorsqu’il englobe l’univers, une parcelle infime, une immensité. Comprendre, connaître, espérer, créer.

En ce sens, l’agir et le mouvement ne sont pas antinomiques, mais pas obligatoirement complémentaires non plus. La mobilité est le fait d’un déplacement, alors que l’action est mue par une nécessité, le besoin d’aller vers un ailleurs, un possible, quelqu’un.
Le mouvement me fait penser à une foule qui ondule, longue et régulière, dans les couloirs du métro ou au flot ininterrompu et anonyme des voitures sur l’autoroute ; c’est un mouvement statique, qui va quelque part, certes, mais n’invoque pas forcément une évolution. Un mouvement de danse qui n'est pas lié à un espace, une globalité peut-il être à lui seul signifiant ? 

Ce vide « actif » n’est pas un temps d’arrêt, mais de profondeur, pas un temps d’absence, mais au contraire d’une présence construite, c’est-à-dire de moments où le regard est libre et peut se poser sur le dehors. Le dehors de soi.
L’agir intervient quand un visage apparaît, je veux dire, quand, enfin, notre responsabilité vis-à-vis d’autrui n’est plus dictée par quelque culpabilité séculaire, mais un esprit de don, délivré des scories de la surenchère.

Le visage est nu, pauvre, en ce sens qu’il est dénué d’artifice. C’est alors qu’une parole, un geste, une ouverture deviennent possible ; et à partir de là l’occasion d’introduire une relation dans laquelle le premier geste sera de dire : je prendrai soin de toi. Ce qui ne correspond pas dans l’immédiat à ce que je fais, mais à ce que j’entends et ce que je vois ; à la responsabilité que j’accepte d’être abordée par un ailleurs, un connu ou un inconnu. Et à l’intérieur de cette responsabilité, il y a aussi pour moi, un devoir de vérité, d’authenticité. Là où la subjectivité intervient de manière radicale, c’est-à-dire en offrant à l’autre une réponse qui ne soit pas de convenance, mais corresponde à l’attention que je lui porte.
L’homme que j’ai heurté l’autre jour dans la rue m’a donné cet enseignement en s'arrêtant pour me dire : « Vous m’avez fait mal ». Nous avons tous les deux cessé de marcher, sur le trottoir, nous nous sommes regardés. Je lui ai parlé, je l’ai regardé encore. Il avait une peau noire et un très lointain sourire.