UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 2 novembre 2011


 
« Pas de bruit dans mon cœur », Michel Clément

Sur la longue table en bois de la cuisine, il y avait la pile des journaux du samedi et un désordre « familial » : de la nourriture, un dictionnaire, une bouteille de vin vide, une écharpe, des factures, un tournevis…
Le désordre comme le bruit sont des éléments humains et comme tels à la fois porteurs de sens et de déplaisir. Toute forme de création demande des déplacements d’air, d’objets, de pensées et par conséquent entraîne des dérangements, des éparpillements et souvent même des incohérences. Car toute forme de création passe par de l’obscur, de l’incertain, de l’inconnu, bien sûr, avant de prendre quelle que forme que ce soit. Placer artistiquement des roches plates au bord du ruisseau pour en faire un espace de beauté ; peindre une aquarelle en mélangeant des formes et des couleurs ; tourner une pièce de bois pour fabriquer un poteau de galerie, écrire des notes de musique, des romans, des mots d’amour… La liste est longue pour chacun de ces gestes posés en direction de l’autre. Ces actes, nos actes, prennent un sens s’ils nous inscrivent dans le monde, nous placent au centre de celui-ci d’un point de vue inclusif et non narcissique. Pour le bruit, c’est plus délicat, mais ça revient presque au même : le bûcheron dans le bois avec sa scie mécanique,  le cultivateur sur son tracteur, le gars et sa « pépine », le musicien qui chantonne, le silence péremptoire de l’écrivain : nous avons besoin de ces bruits et par conséquent leur nécessité s’impose à nous comme une faim. Mais nous n’avons pas besoin des pots d’échappement pétaradant nuit et jour sous nos fenêtres, pas besoin de musac dans les files d’attente téléphonique, pas besoin des voisins inadaptés.
De même, lorsque le désordre devient fouillis, il n’encombre pas seulement l’espace qu’il occupe, mais notre propre esprit et celui d’autrui. Je ne cherche pas à faire l’éloge d’un rangement maniaque ou d’une intolérance sonore exagérée, mais il m’importe, et je le défendrai, que le respect et l’élégance prédominent sur l’arrogance, la bêtise et autres gâchis que les humains savent si bien engendrer. Il m’importe, et je le défendrai, qu’il n’y ait pas de bruit dans mon cœur, mais un chant. Juste un chant. 

p.-s. Grand merci à France-Anne Blanchet pour son aide généreuse à l'élaboration de ce projet.