« Le réel brut ne donnera pas à lui
seul du vrai. » Robert Bresson
Aucune vérité n’est immuable.
Particulièrement dans le processus d’un travail d’écriture où chercher à créer
un départage entre vérité et mensonge relève d’un non-sens. L’éthique du texte
n’a que faire de ces considérations, somme toute, superficielles. En fait,
l’écrivain n’a pas le choix puisqu’il n’est pas possible d’établir une
séparation ou même une distance entre écriture et fiction dans une œuvre
littéraire. Même les récits autobiographiques ou dits d’autofiction doivent répondre d’une forme et donc d’une manipulation
par l’auteur de faits et d'idées qu’illustrent des mots. Il y a certes interpénétration entre l'auteur et le texte ; durant
tout le processus d’écriture, celle-ci se
tisse de son universalité, de sa perméabilité aux destins humains, aux
souffrances, à l’obscur, à l’amour. Et toutes ces choses ne relèvent évidemment ni de la volonté de l'écrivain ni de sa « technique », mais prennent place dans le recueillement et la bonté.
Elles sont une matière première dans laquelle l’artiste investit son atelier —
son espace vide — et commence à entendre quelque chose, de la musique.
Cet
espace, nu et libre, il n’importe pas de le remplir, mais plutôt de capter les
ambiguïtés et les paradoxes qui s’y présentent. C’est dans ce lieu — vide — que
l’objet de création révélera son implicite, son indistinct. L’artiste y met son
expérience, ses valeurs, sa pensée, comme le fera ultérieurement le lecteur. De
part et d’autre, il y aura un abandon, une rupture face à une image
spéculaire qui ne renvoie que du moi. Pour que l’œuvre se présente au
lecteur comme au créateur, il faut qu’il y ait avant tout une compénétration
de perceptions, de lumières, de nudités, de pertes.
Cassures.
La pensée et le texte rayés,
libérés de leur voracité, de leur impatience ; en relation avec de l’autre, du
dehors ; sans défense. L’atelier devenu un espace de re-construction, en tant que vecteur
de risque, que voie ouvrant sur plusieurs pistes, aidant à ériger une
forme.
Un texte se bâtit, se
solidifie, encore et encore. La tension, la concentration, la bonté forment la spatialité
de l’œuvre.
Ces expériences de création,
incomplètes et imparfaites toujours, établissent une complicité entre l’écrivain et le lecteur et
conservent à l’œuvre son caractère d’inachèvement.
Labyrinthe à ciel ouvert. Le
déplacement est obligatoire : l’avancée à l’intérieur.