UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 18 juillet 2012


« Il est étrange d'être dans un corps, enfermé ; c'est une crucifixion pour chacun. » Valère Novarina


Corps mutant, corps fractionné, corps vieillissant.
La naissance, l’enfance, l’adolescence, les différentes étapes de la vie adulte ; tout cela appartient à une seule existence, une même personne, et se déroule sur une même ligne temporelle. Mais à combien de vies correspondent réellement tous ces corps ? C’est un peu comme si des êtres différents s’y insinuaient et les habitaient selon les différentes lignes des âges, opérant ainsi leur transmigration successive. C'est ainsi que le corps de la jeunesse est beau, ferme, éternel ; puis un jour il est devenu flasque, malade et sénile. Toutes ces entités ayant appartenu au passé. Étant devenues celles de maintenant. Puis s'étant incarnées dans celles qui seront enterrées.

Il est question de la vie. La vie plus forte que tout. La vie dans sa toute puissante autocratie qui force les  humains que nous sommes à vouloir, quel qu'en soit le prix, retarder jusqu'à l'ultime limite l'heure de la quitter. Car cet inconnu effraie. Il n'y aurait que les nouveaux-nés, s'ils pouvaient s'exprimer, pour nous parler du néant, de cet espace d'avant la vie qu'ils ont traversé. L'espace d'après, pour sa part, demeurera tout autant inquiétant et mystérieux. C'est ainsi. La vie est à elle seule suffisamment énigmatique pour alimenter, des millénaires durant, les questionnements et introspections qui la régissent.

Au terme de sa longue mutation, le corps vieillissant s'empâte, se « difforme ». Se plisse, se courbe. Se dégarnit, se dessèche. Aucune crème, aucun régime, aucun exercice ne saurait empêcher cela. Tout au plus en ralentir le cours inexorable et en atténuer les effets. Notre société moderne et opulente voue un culte au corps, à la beauté des formes, à la perfection des galbes. Les jeunes filles se cloîtrent dans un enfer anorexique pendant que les jeunes hommes se gonflent démesurément les muscles à coups de push up  et de protéines synthétiques. Durant ce temps, les cinquantenaires, sexagénaires, septuagénaires, octogénaires, nonagénaires dégénèrent. Et sont maintenus en vie à coup de pharmacologie, technologie, médicologie.
Le processus ne s'inversera pas néanmoins. Je peux demeurer stoïque et feindre l'indifférence ou afficher une sagesse indulgente, je subirai indubitablement les métamorphoses entamées depuis le jour de ma naissance.
Et je resterai « crucifiée » à ce corps.