« On ne peut à la fois savoir et être fort. Moi, je choisis
la faiblesse, la déréliction du regard et des paroles, le doux ensevelissement,
l’anéantissement fécond. Je cours le risque d’être contradictoire, et de
n’avoir aucun exemple à offrir. Mais je sens que c’est là que ça vit
intensément, que ça grouille, que ça dilate. J’ai peur. » J.M.G. Le Clézio
Quel est le geste, l’élan, la
nécessité de l’écriture ? C’est boire, manger, dormir, aimer. Mais savoir
manier une scie ronde ou conduire une voiture n’est-il pas plus utile ?
D’aussi loin que je me souvienne,
j’ai toujours été dans l’écriture.
D’abord par la lecture. Avant d’y accéder cependant, j’ai zigzagué, bifurqué,
bohémié. Dans les territoires inexplorés de l’écriture se confondent vérités et
mensonges, éclaircies et mystères. Le texte, dans le processus de création, est aussi soumis aux
contingences de survie. Souvent ces deux bêtes bizarres se combattent, se
déchirent parfois, se réconcilient rarement. Je suis la matière première de mon
écriture. L’art de l’écriture ce n’est pas la parole, ce n’est pas le langage,
ce n’est ni l’évocation ni la sensation ; c’est le devenir soi. Une
infiltration, un déploiement. Je suis un être de doutes, d’erreurs, de
contradictions et c’est avec ces certitudes (n’ayons pas peur des paradoxes)
que j’écris.
Le regard que l’on porte sur soi et
sur les autres va chercher une densité, une altérité, une démesure qui prennent forme et sens dans l’écriture et créent une réalité travestie, transcendée qui
rebondit dans le réel.
Les choses et les êtres possèdent
leur intelligence propre et c’est elle que je veux capter en écrivant. Je pars
d’eux qui sont en moi. Je n’invente rien. L’important : être arrimée à un
travail, malgré l’infini des profondeurs.
Je vis, j’écris pour accomplir ma
mort.