UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 14 décembre 2011


« En effet, on pourrait passer toute une vie à s'excuser d'avoir trouvé tant de façons d'arriver à l'extase. », Susan Sontag

L’ami Luc est un Proulx. C'est dire qu'il vient de cette famille nombreuse dont la mère, décédée récemment à 98 ans, a accouché de 17 enfants. Presque un village en soi, et une vie — des vies — inlassablement racontée (et entendue) avec une verve poétique et drôle. Cet homme est une force de la nature. Deux fois à ma connaissance, et sans doute davantage, il a échappé à une mort certaine, se relevant avec à peine une égratignure d'accidents invraisemblables.
J'ai la chance de côtoyer un homme heureux. Un homme dont les qualités et les défauts servent à son bonheur. Les unes et les autres se plaçant sur le puzzle, au juste endroit où trouver la joie ; les unes et les autres s'imbriquant dans les formes d'une jouissance perpétuelle. Peut-on alors parler d'extase ? Peut-être, si celle-ci absorbe les peurs, regrets et autres noirceurs de l'âme, mais sans doute moins si l’on pense au sens latin du mot, où il est alors question d'être « hors de soi ». Car l'extase de cet ami se répand en une gaîté profondément humaine, je veux dire terrestre, je veux dire palpable. Il ne s'agit pas, il me semble, de béatitude ou d'ivresse, mais de quelque chose comme d'un grand appétit de tout : d'amour, de vin, de nature, d'art, de maintenants, de gens.
Trouve-t-on sensation plus paradoxalement coupable que le plaisir ? Et ne retire-t-on pas de cette satisfaction quelque effrontée liberté ?
Certainement ; et c'est en cela que le plaisir, la joie, l'extase sont des émotions subversives, parce qu'elles révèlent un devoir fondamental d'être heureux, inextricablement lié au fait, non moins fondamental, d'assumer ce bien-être en le déclarant et en le partageant.
Je ne suis pas une hédoniste, ce que je dis et pense n'est pas relié à une doctrine ou à une profession de foi, mais épouse bel et bien une courbe au-delà de laquelle se trouve le précipice de la mort.
Il n'est pas encore prêt (et moi non plus), me confiait-il en trinquant, à rater cette courbe et à plonger... là-bas. Il y avait une telle sincérité dans sa voix que je le crois à l'abri de la grande faucheuse pendant un bon bout de temps.

Cela évidemment m'amène à penser à la provocation de Péloquin  : « Vous êtes pas écœurés de mourir… »

Ce n'est pas si simple ?  Je n'ai pas dit ça.