UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 14 mars 2012


« L’art vise la vérité ; il n’est pas immédiatement la vérité ; en ce sens, la vérité est son contenu essentiel. » Theodor W. Adorno


Je suis une mécréante. Je ne crois pas en Dieu, Jéhovah, Allah, ou Bouddha ; toutefois mon histoire est marquée par une éducation religieuse, d’où provient ma culture, mon rapport à la communauté, mon sens des valeurs ; et c’est avec ces racines que je travaille aujourd’hui. Que je questionne le sens de la bonté : ce qu’elle représente, les paradoxes qui la composent.




L’idée vient de loin, dans l’enfance. Là-haut, j’entendais des cris, des hurlements, des insultes, alors que dans le sous-sol, je lisais la biographie du mahatma Gandhi trouvée dans un débarras. 
Ainsi je priais. 
J’apprenais la sororité de la violence et de la bonté.

Depuis plusieurs années, ma réflexion est dirigée vers la bonté. Et de plus en plus, celle-ci se traduit pour moi en tant que conscience et rigoureux amour.  Mais, pour que l'amour soit une solution, il faut qu'il soit vrai, constitué par la maturité, la recherche, le travail.

Une scène de film me vient à l’esprit dans laquelle Indiana Jones pour sauver son père de la mort doit, entre autres épreuves, traverser un pont invisible qui n'existera que s'il y croit sincèrement ; dans le cas contraire, ce sera la chute irrémédiable et fatale dans l’abîme.  Il va sans dire que l'invincible héros possède cette foi qui érige des ponts et déplace des montagnes ; mais où, humbles mortels que nous sommes, où puisons-nous une foi pareille ; et au prix de quels labeurs, de quelles transcendances ?  Ne serait-ce pas plutôt que ce vide doit être investi et non traversé ?  Ne doit-on pas s'y plonger, se mouiller pour sentir son mouvement, sa fluidité, sa densité ; et que de l'effort se produise une avancée, s'installe une souplesse ? 
La métaphore de l'eau, du mouvement dans l'eau, n'est pas anodine, elle représente pour moi un espace à la fois plein et vide, transparent et obscur ; risqué quand on s'y aventure avec témérité.  Objet à jamais insaisissable, toujours différent et à quoi pourtant je dois faire confiance pour créer un possible.

Respirer le monde avant de le transmettre à l’écriture. Désordonnée dans l’indicible, ma pensée met du temps à prendre forme.  La contemplation, jamais dérisoire, recouvre, englobe le paysage.  Métamorphose immobile ouvrant vers de la parole et de l’émotion. 
Je deviendrai roche, torrent, épilobe, neige, vent, ciel.  En cela, je ne suis que la continuation, le prolongement de contemplations plus anciennes où j’épiais le soleil à travers les barreaux de la galerie ou nageais le samedi après-midi dans la piscine déserte du couvent.  Avais-je conscience alors que j’éprouvais la substance des choses, concentrée, absorbée en elles ?  Bien sûr que non.  Mais il y avait le vide, oui, déjà, j’en suis certaine.

C’est la fin de l’hiver, le feu de bois et la tendresse, et des promesses qui ne demandent qu’à fleurir.