UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 15 février 2012


« J’aime t’écrire des mots blancs comme la feuille
des mots courts comme l’instant, des mots doux
comme l’eau du puits, comme l’eau du puits », Joane Hétu


Je pars rarement sans laisser un « mot » sur la table :  partie faire le tour du rang 7 ; passe une bonne journée, amour, as-tu vu la lune ce matin ? ; n’oublie pas la moulée pour les chats...

Et en retour, je reçois : —   Bonne nuit, ma chérie  —   je vais prendre une bière à l’hôtel, de retour vers six heures  —   ta mère a téléphoné... 

Il y a dans ces petits mots des miroitements, des centaines d’ombres et d’ondulations. Des chuchotements et des non-dits. Tant d’amour.
Des mots comme nous en écrivons tous. Sur des bouts de papier déchiré, des calepins. Avec le premier stylo qui nous tombe sous la main. Celui qui bave, celui qui fonctionne une fois sur deux, le rouge, le crayon à mine.
Des mots caresses. Des mots pratiques. Des mots tendresses, avant tout.
Depuis que je réfléchis à l’esprit de la bonté, celui de la tendresse s’est immiscé discrètement dedans, presque à mon insu. Il s’est inséré dans mes gestes, dans les salutations de mes courriels, dans mes pensées.
La tendresse oppose une résistance à ce qui se durcit à l’intérieur de soi. Pour étendre une pensée, ne faut-il pas justement s’attendrir jusqu’à n’être qu’une « pâte molle », souple et malléable, disponible à l’autre dans ce que nous possédons de plus doux, de plus offrant ?

La vie se donne. Ça commence comme ça. Ensuite, celui et celle qui a reçu de l’amour peut le redonner, ailleurs, de près ou de loin. Si nous allons dans le sens de la vérité, nous ne pouvons pas nous tromper. Nous avons toujours le droit à l’erreur, mais ça reste vrai. Un regard amoureux est un regard porté sur la vie de l’autre ; sans jugement sur ce qui est bien ou mal, au-delà des apparences. 

À partir de là, nous créons nos propres défis, nos montagnes à gravir ; et assumons nos responsabilités. Les audaces que l’on ose renouvellent les formes de l’art et font avancer nos libertés. Cela exige une ouverture ; on connaîtra l’inconfort du déséquilibre : écouter ce qui monte en nous, essayer, confronter le connu, le braver, nous questionner.


J’écris toujours devant un paysage.
En réalité, je conçois deux espaces : celui de la nature et celui du paysage.
Le paysage est le tableau, une étendue que le regard embrasse et grâce auquel l’écrivain, en regardant au-delà, espère la nature — natura, à l’origine « le fait de naître, l’action de faire naître » (Dictionnaire historique de la langue française). La naissance arrive aussi parfois sur la route, dans un mouvement continu grâce auquel la conscience, même dans le tourment, poursuit le travail d’écriture.
Par exemple : un jour, en pleine tempête de neige et de vent, je marchais péniblement sur un chemin de campagne, et tout à coup en levant les yeux je me suis rendu compte qu’il n’y avait rien au-dessus, en dessous, autour de moi : que du blanc. J’étais ainsi, nulle part, une entité pensante au milieu d’une abstraction blanche, totale.

L’illumination de la naissance ou de la mort pourrait ressembler à ce moment.