UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 21 mars 2012


« Où est-il donc ce rêve, que nous avons fait, d’une vie libre dans un espace harmonieux, […] ? » Danielle Sallenave

Une des particularités de la jeunesse est non seulement ce sentiment d’éternité qui la porte et lui permet de s’engager dans de nobles et justes entreprises, mais aussi cette conviction profonde et inaliénable de pouvoir changer le monde. Et ça fonctionne ! Quelques personnes, éclairées et persévérantes, y parviennent. Cela devient alors l’œuvre d’une vie entière. 
Rappelons-nous, par ailleurs, les slogans de mai 68 : Soyons réalistes, demandons l’impossible ou Sous les pavés, la plage. Ou encore, l’incroyable et naïve bravoure du manifeste du FLQ, quelques années plus tard en octobre 1970.

La liberté exclut la dépendance, l’harmonie déjoue le chaos.
La liberté me rend responsable, de moi-même autant que de l’autre.  Pas d’amnésie possible. Pas de repos non plus.
Avec la liberté s’instaure un devoir de fraternité. Je ne peux tuer ou être indifférente à mon frère, à ma sœur. Ainsi, la paix, la bonté seront mes premiers mots. Le langage par lequel je répondrai à et de l’autre.
J’aurai aussi le devoir d’articuler ma pensée, de la transmettre, de la dire.
Le devoir d’être entendue.
...

J’avais cinq ans et je participais à un spectacle collectif organisé par les responsables du camp d’été, dans la salle paroissiale de mon quartier. Parents et amis assistaient à la représentation. Je devais chanter une comptine que j’avais apprise par cœur. Aujourd'hui encore, je la conserve en mémoire, mais peu de gens, sinon personne, ce jour-là ne l’aura captée. Dans ma confusion et ma timidité, seul un mince filet de voix, à peine audible, a franchi le seuil de ma gorge, sans même parvenir aux premiers rangs des spectateurs.
C’est un incident de peu d’importance, mais je m’en souviens comme si c’était hier. Ce chant n’aurait jamais révolutionné le monde de l’art, mais il aurait accompli son œuvre, c’est-à-dire rendre compte du travail et le partager. Il n’y a pas d’âge pour assumer ses responsabilités.

La parole, le geste, l’écrit sont des passages, des ponts par lesquels se transmettent non seulement des savoirs, mais aussi des dépassements, des preuves, des vérités. Par la parole, je surmonterai la violence et la peur ; j’éviterai de l’alimenter et me rapprocherai de l’universel ; j’interpellerai l’autre, engagerai un dialogue.
L’heure ne sera plus à la contemplation. Il sera temps de la mettre à l’épreuve. De la soumettre à une vérification de vérité. Par la vie.