« La nature du matériel n’a aucune importance, la seule grande affaire c’est ce qu’il produit. Le matériel c’est du marc de café, des boules de cristal, des entrailles d’animaux, des vols d’oiseaux. On peut prendre des pots, des rois, des épluchures. Soi. Des mots. Un jour l’un un jour l’autre. » Christiane Rochefort
Ainsi tout est bon au départ. Le
temps reconnu coupable s’enfuit dans une autre dimension. L’écriture s’amorce
dans l’errance, les allers et retours, les détours, les hasards, les tentatives
d’évasion qui achoppent, les grains de sable qui s’amassent un à un. La
spatio-temporalité se mue en activité ludique, et dans cette joie, la liberté
inestimable de l’action inutile. Le train se met en marche vers une destination
inconnue, ignorée, imprévisible.
Le rassemblement du mot à mot, du
matériau et de la densité formelle du récit devient alors ouvrage de patience
et de persévérance.
J’écris dans l’espacement, le
souffle court. J’essaie de toujours me reconnaître, de démêler le vrai du faux,
le vulgaire du noble. Il faudra faire confiance à l’instinct. Laisser pénétrer dans le texte des intrus sans
être assurée de leur probité. Prendre ce risque-là. Être entraînée sur de
fausses pistes et se réveiller complètement amochée sur le bord d’une route qui
ne mène nulle part. Ramper dans la broussaille parasitaire et envahissante.
Retourner au langage et mettre ensemble des mots simples. Le rouge de la fardoche imprimé
néanmoins dans le texte pour toujours, comme une blessure peut-être, ou un creuset.
Avant d’atteindre quelque grâce, on entendra le hurlement du silence. On apprendra à créer une écoute. Ça signifie seulement que, parfois, quelque chose arrive. Au moment de l’écriture, ce n’est plus la pensée qui intervient, mais le geste, l’acte. Les mots se mettent en place, et il arrive, oui, qu’on soit étonnée.