UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 9 mai 2012


« La ressemblance n’a rien à voir avec la reconnaissance » Jean-Luc Nancy

Pour Joane
En art visuel, j’aime bien le figuratif, voire l’hyperréalisme. Le propos pictural de Magritte, par exemple, reste pour moi au plus près d’une pensée intellectuelle brillante, réfléchie, provocante. Alors que celui de Hooper, par ailleurs, atteint par la brutalité de ses silences, de ses solitudes, des émotions muettes qui remplissent néanmoins l’espace. Ce n’est pas que le rocher soit en suspension dans les airs ou que la pomme n’en soit pas une qui donne un sens au propos ; pas que la maison soit isolée au milieu du champ ou qu’une femme regarde par une fenêtre.  Ce qui est signifiant pour moi dans ces toiles, c’est le pouvoir œuvrant qu’elles ont reçu, la parole qui leur a été donnée.

Dans la musique, en revanche, plus l’abstraction est dense, et plus les sens et l’esprit sont captés. J’ai assisté, vu et entendu de multiples concerts depuis plus de trente ans, produits par différents ensembles de « musique actuelle », comme elle est parfois qualifiée. Ces gens pratiquent l’art le plus abstrait que j’aie jamais rencontré et pourtant c’est aussi celui dans lequel je reconnais le plus d’engagement, de vérités, de liberté, de risques, de responsabilités, de générosité, et de bonté, bien sûr. Aucun compromis ne sera négocié si ce n’est celui de l’écoute et du partage ; aucun laxisme ne viendra voiler la rigueur et la beauté du langage.


On est loin bien sûr de l’increvable Céline ou de la musique classique qui sont ce qu’ils sont : du pop. Et je reconnais que c'est une qualité d’être accessible, offerte à tous. La musique actuelle est pas écoutable selon certains, des bruits, des sons dissidents, des distorsions, des écarts de conduite, des folleries. Et pourtant elle est pionnière et complexe, et pourtant elle est nécessaire et essentielle. Car si l’art ne brise pas  les conventions, s’il ne brouille pas les repères, s’il n’est pas indocile et suit les balises, à quoi, à qui sert-il? Il divertit, endort, assomme ; mais n’élèvera jamais ni le débat ni l’esprit ni l’âme.
Ces immenses musiciennes et musiciens ne recevront pas d’honneurs, de fleurs, de faveurs. Ils en auraient besoin pourtant, tout le monde a besoin, devrait pouvoir recevoir, sa part d’amour et de velours.  Mais la justice, on le sait, n’est le plus souvent qu’un objet de rhétorique.
La bonne nouvelle, en revanche, c’est que l’art existe : je l’ai rencontré !