« Venez
m’aimer.
Venez.
Viens dans ce papier blanc.
Avec moi. » Marguerite Duras
Elle part.
Recommencer le voyage. Encore et encore. Tendre la main pour recevoir l’eau de
pluie. Faire l’amour dans l’ombre de la ville.
Elle sème des
cailloux. Nage longtemps. Roule en voiture jusqu’à la mer. Elle n'a pas eu d’enfant.
Elle marche.
Seule.
Ramuz a
écrit : Il n’y a que deux choses qui intéressent
: l’amour et la mort.
*
Elle a six
ans. C’est un jour d’été radieux.
Le dimanche,
le père déplie le toit de sa décapotable et emmène la famille manger chez
Saint-Hubert barbecue.
26 décembre
1971. Avec son amie Lucie, elle va au cinéma voir le dernier film de Claude
Jutras, Mon oncle Antoine, au théâtre
Saint-Denis.
*
Elle sirote un thé à la menthe dans un café d’Oujda en regardant les Jeux olympiques de
Montréal à la télévision.
*
C’est le printemps, à quatre
pattes dans une pièce climatisée sans fenêtre, elle classe de la paperasse dans des chemises numérotées.
Un jour, sur un sentier des Alpes françaises, elle a croisé une fourmilière géante de presque un mètre de haut : fascination et danger.
Elle pense à une sœur qu'elle a peu connue. La vive intelligence de son sourire d'enfant sur la photo. Le mensonge, devenu le moteur de sa vie. L'entrave que la mère lui avait léguée en héritage. L'absence d'un amour vrai. Un gâchis.
*
Il est 5 h
13 du matin. Comme un départ en voyage. À chaque fois, même si le
billet est dans le sac, le passeport en règle, les devises achetées, la valise
presque bouclée, elle a peur.
Tout à coup ce tremblement
intérieur, juste avant.
Le vide bée devant elle.
Elle est
dans l’inconnu. Quelques heures avant le départ.
Lorsqu’elle
mourra, elle sera délivrée de la vie ; même si elle ne cherche pas à hâter
cette délivrance. Elle sera violente comme tout arrachement.
Au début de l’été, et elle sera triste. Elle n’entendra plus la
musique.