« La littérature, comme toute forme d’art, est l’aveu que la
vie ne suffit pas. » Fernando Pessoa
Le vide, le Vivant. Depuis
longtemps, je me questionne et observe le travail créateur. Ces introspections
et ces questionnements, toujours liés à l’œuvre et à son développement, ouvrent
sur du plus lointain. Alors, ces pensées vis-à-vis de l’agir créateur me
ramènent à l’artiste dans son espace vide, son atelier, au centre d’une négation,
là où l’existence est remise à plus tard.
Je ne cherche pas à comprendre
comment se « fait » une œuvre d’art, mais à percevoir ce qui, dans le
développement processuel de l’objet de création, se pose comme captation et
comme renoncement dans l’espace vivant de l’atelier, ce qui dans la praxis, est
au centre de l’émergence de l’œuvre.
La chose la plus importante me
semble être le lien, le contact que nous entretenons avec le Vivant. Une œuvre
se bâtira sur une base d’échanges — écoute, réception — qui s’effectueront tant
au niveau de la pensée, de l’émotion que de l’intellectualité. Le processus
comme l’aboutissement d’un objet de création opèrent sous le signe de
l’inachèvement dans un esprit marqué par l’incertitude et l’infinitude qui
accompagneront l’artiste tout au long de son parcours. Ainsi, ses motivations
et sa pratique sont déterminées par une observation attentive et libre de
l’immobile, du silence, de l’absence, entre autres.
L’élan de nécessité qui inspire et
conduit les artistes dans leur travail est aussi question de bonté. Celle-ci concerne non seulement
la motivation de l’artiste, mais interroge sa présence, la place qu’il
revendique et conquiert au sein du processus créateur et qui intervient, par la
force des choses, dans l’œuvre en devenir.
Le lien que j’entretiens avec les
artistes et leur travail est avant tout amoureux. Ce qui ne signifie pas que
j’oriente ma réflexion dans le sens de l’intime ou de l’intériorité. Mon
intention, comme dans toute démarche de création, et ma nécessité proviennent essentiellement de l’atteinte et de la captation. Sentir,
voir, entendre.
L’éphémère constitue une part
importante de la valeur de l’œuvre qui se mesure à l’aune de son impermanence,
de sa fragile temporalité. Ce
point d’ancrage à partir duquel l’artiste conçoit et élabore son œuvre tout en
acceptant le processus de renoncement qui l’accompagne permet de considérer ce
processus comme partie intégrante d’un cycle plutôt que néant.
L’artiste se place en retrait, il
écoute, tente d’établir une relation impossible avec l’autre où le dit, le
senti, le vécu traversent la ligne de fêlure vers une vérité jusque là
incréée. C’est dans l’effacement
de soi que le créateur appelle une présence qui le mène vers l’autre à travers
des mots, des musiques, des formes…
Merci à Paul Grégoire pour sa photo, Vertèbres de sable |