UNE ESTHÉTIQUE DE LA BONTÉ

Chroniques de libres pensées créées à partir d'une citation d'auteur
par Dyane Raymond

mercredi 19 septembre 2012


« La littérature, comme toute forme d’art, est l’aveu que la vie ne suffit pas. » Fernando Pessoa

Le vide, le Vivant. Depuis longtemps, je me questionne et observe le travail créateur. Ces introspections et ces questionnements, toujours liés à l’œuvre et à son développement, ouvrent sur du plus lointain. Alors, ces pensées vis-à-vis de l’agir créateur me ramènent à l’artiste dans son espace vide, son atelier, au centre d’une négation, là où l’existence est remise à plus tard.
Je ne cherche pas à comprendre comment se « fait » une œuvre d’art, mais à percevoir ce qui, dans le développement processuel de l’objet de création, se pose comme captation et comme renoncement dans l’espace vivant de l’atelier, ce qui dans la praxis, est au centre de l’émergence de l’œuvre.
La chose la plus importante me semble être le lien, le contact que nous entretenons avec le Vivant. Une œuvre se bâtira sur une base d’échanges — écoute, réception — qui s’effectueront tant au niveau de la pensée, de l’émotion que de l’intellectualité. Le processus comme l’aboutissement d’un objet de création opèrent sous le signe de l’inachèvement dans un esprit marqué par l’incertitude et l’infinitude qui accompagneront l’artiste tout au long de son parcours. Ainsi, ses motivations et sa pratique sont déterminées par une observation attentive et libre de l’immobile, du silence, de l’absence, entre autres.
L’élan de nécessité qui inspire et conduit les artistes dans leur travail est aussi question de bonté. Celle-ci concerne non seulement la motivation de l’artiste, mais interroge sa présence, la place qu’il revendique et conquiert au sein du processus créateur et qui intervient, par la force des choses, dans l’œuvre en devenir.
Le lien que j’entretiens avec les artistes et leur travail est avant tout amoureux. Ce qui ne signifie pas que j’oriente ma réflexion dans le sens de l’intime ou de l’intériorité. Mon intention, comme dans toute démarche de création,  et ma nécessité proviennent  essentiellement de l’atteinte et de la captation. Sentir, voir, entendre.
L’éphémère constitue une part importante de la valeur de l’œuvre qui se mesure à l’aune de son impermanence, de sa fragile temporalité.  Ce point d’ancrage à partir duquel l’artiste conçoit et élabore son œuvre tout en acceptant le processus de renoncement qui l’accompagne permet de considérer ce processus comme partie intégrante d’un cycle plutôt que néant.
L’artiste se place en retrait, il écoute, tente d’établir une relation impossible avec l’autre où le dit, le senti, le vécu traversent la ligne de fêlure vers une vérité jusque là incréée.  C’est dans l’effacement de soi que le créateur appelle une présence qui le mène vers l’autre à travers des mots, des musiques, des formes…

Merci à Paul Grégoire pour sa photo, Vertèbres de sable